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Articulation de la garantie des vices apparents et de la garantie décennale

Sur l’articulation des garanties auxquelles est tenu le vendeur en VEFA en présence d’un désordre, caché lors de la réception, présentant les critères de gravité requis en matière décennale et apparu à l’acquéreur lors ou dans le mois suivant la prise de possession.

Cass. civ. 3ème, 14 janvier 2021, n°19-21.130

 

 

Par un arrêt remarqué du 14 janvier 2021, la troisième chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur l’articulation des garanties auxquelles est tenu le vendeur en matière de vente en l’état futur d’achèvement (VEFA) en présence d’un désordre, caché lors de la réception, présentant les critères de gravité requis en matière décennale et apparu à l’acquéreur lors ou dans le mois suivant la prise de possession.

 

Dans une telle hypothèse, le caractère apparent du vice lors de la prise de possession n’est pas exclusif de la mise jeu de la garantie décennale du vendeur.

 

Les faits ayant conduit à l’arrêt étaient les suivants : une société civile immobilière (SCI) avait fait construire, en vue de la vente d’appartements en l’état futur d’achèvement, une résidence comportant plusieurs bâtiments dont la réception avait été prononcée sans réserve du 28 juillet 2006 au 30 juillet 2009.

 

Postérieurement à la réception, un expert missionné par le syndic au nom et pour le compte du syndicat des copropriétaires lors de la livraison des parties communes a établi plusieurs rapports mettant en exergue divers défauts et désordres, en date des 27 mars et 19 juin 2009 ainsi que 21 mai 2010.

Par assignation du 19 septembre 2013, soit plus d’un an et un mois après la livraison et se plaignant de la persistance de désordres et non-finitions affectant les parties communes de la résidence, le syndicat des copropriétaires a sollicité la condamnation de la SCI sur le fondement de l’article 1792 du Code civil.

 

Afin de s’opposer aux demandes formulées à son encontre, la SCI a excipé la forclusion de l’action initiée par le syndicat des copropriétaires à son encontre au motif que les non-conformités et vices invoqués étaient apparents à la date de prise de possession des parties communes, de sorte que les demandes auraient dû être formées au plus tard dans l’année suivant cette date.

 

La Cour d’appel a accueilli favorablement cette argumentation et a rejeté les demandes du syndicat des copropriétaires, au regard de la forclusion de son action dont l’objet était selon la Cour d’appel des vices et défauts apparents à la livraison (désordres relatifs au fonctionnement du portail d’entrée de la résidence, aux trappes de désenfumage, aux finitions des peintures, au carrelage ébréché, au défaut de raccordement des gouttières, à la largeur insuffisante de certains garages, au fonctionnement de la station d’épuration et aux eaux de ruissellement) de sorte que l’action aurait dû être engagée dans le délai prévu par l’article 1648 alinéa 2 du Code civil.

 

Il convient de rappeler qu’en application de l’article 1642-1 du Code civil, le vendeur en l’état futur d’achèvement est tenu d’une garantie spécifique relative aux vices et défauts de conformité apparents, dont il ne peut être déchargé ni avant la réception ni avant l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession de l’acquéreur. L’article 1648 alinéa 2 du Code civil ajoute que l’action doit alors être introduite, à peine de forclusion, dans l’année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents.

 

Conformément à l’article 1646-1 du Code civil, le vendeur en l’état futur d’achèvement est tenu à la garantie décennale, d’une durée de 10 ans à compter de la réception de l’ouvrage, qui a vocation à être mobilisée dès lors que le dommage allégué compromet la solidité de l’ouvrage ou le rend impropre à sa destination.

 

A l’origine du pourvoi, le syndicat des copropriétaires sollicitait la cassation de l’arrêt rendu par la Cour d’appel en rappelant que ses demandes étaient fondées, non pas sur la responsabilité du vendeur au titre des vices et défauts de conformité apparents (articles 1642-1 et 1648 alinéa 2 du Code civil), mais sur sa responsabilité décennale (articles 1646-1 et 1792 du même Code).

 

Le syndicat des copropriétaires faisait donc grief à l’arrêt d’avoir déclaré « irrecevables comme forcloses ou prescrites ses demandes en réparation des désordres et non-conformités autres que l’empiétement sur le terrain d’autrui et le défaut de traitement anti-termites, alors que pendant une période de dix ans à compter de la réception des travaux, le vendeur d’un immeuble à construire est tenu, à l’égard de l’acquéreur, de garantir les dommages de nature décennale résultant de vices de construction ou défauts de conformité cachés au jour de cette réception, peu important que ces vices et défauts aient été apparents lors de la prise de possession de l’immeuble par l’acquéreur ».

 

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel, au visa des articles 1646-1, 1642-1 et 1648 alinéa 2 du Code civil, en soulignant :

 

  • qu’il « résulte de la combinaison de ces textes que l’acquéreur bénéficie du concours de l’action en garantie décennale et de celle en réparation des vices apparents.» ;
  • que « lorsqu’il agit en réparation contre le vendeur en l’état futur d’achèvement sur le fondement des articles 1646-1 et 1792 et suivants du code civil, le caractère apparent du désordre s’apprécie en la personne du maître de l’ouvrage et au jour de la réception.» ;
  • qu’en « statuant ainsi, alors que, le caractère apparent ou caché d’un désordre dont la réparation est sollicitée sur le fondement des articles 1646-1 et 1792 et suivants du code civil s’appréciant en la personne du maître de l’ouvrage et à la date de la réception, il importe peu que le vice de construction ait été apparent à la date de la prise de possession par l’acquéreur, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

 

Cet arrêt vient ainsi souligner qu’une action judiciaire peut valablement être diligentée contre le vendeur en l’état futur d’achèvement, plus d’un an et un mois après la prise de possession de l’acquéreur, en présence de vices et défauts apparents lors de cette prise de possession, dès lors que les défauts et vices ; i) ont la gravité requise en matière décennale ; ii) étaient cachés pour le maître d’ouvrage lors de la réception, laquelle constitue le point de départ du délai de garantie décennale, peu important que ceux-ci soient ensuite apparus aux yeux de l’acquéreur lors ou dans le mois suivant sa prise de possession.

 

 

Djinn QUÉVREUX-ROBINE

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