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Focus sur le nouveau CCAG des marchés publics de maîtrise d’œuvre (CCAG MOE) – Arrêté du 30 mars 2021 (JO du 1er avril)

Par arrêtés du 30 mars 2021 publiés au Journal Officiel du 1er avril dernier, le Ministère de l’Economie des Finances et de la Relance a approuvé plusieurs cahiers des clauses administratives générales (CCAG) des marchés publics. Ces CCAG sont toujours d’application volontaire et peuvent faire l’objet de dérogations expresses par les parties qui s’y réfèrent.

A côté de la rénovation du CCAG des marchés publics de travaux et du CCAG des marchés publics de prestations intellectuelles (CCAG-PI), qui dataient de 2009, a été créé un CCAG des marchés publics de maîtrise d’œuvre (CCAG-MOE).

Désormais, les marchés publics de maîtrise d’œuvre peuvent s’appuyer sur un CCAG qui leur est propre, distinct du CCAG-PI qui leur était jusqu’à présent applicable. Ce nouveau CCAG MOE intègre les spécificités du marché de maîtrise d’œuvre, ce qui est une bonne chose, puisque le CCAG PI n’était pas adapté.

Les premiers commentateurs ont insisté sur le rééquilibrage des droits et obligations entre la maîtrise d’ouvrage publique et la maîtrise d’œuvre que ce CCAG MOE opère au profit du titulaire du marché. Ce rééquilibrage reste relatif dans la mesure où il sera toujours possible d’y déroger et d’atténuer le rééquilibrage recherché.

Néanmoins, le CCAG MOE permet d’encadrer un certain nombre de sujets qui étaient jusque-là laissés à la libre discrétion des parties. L’établissement d’un cadre offre ainsi  aux contractants une norme de référence.

L’objet de cette brève est de souligner quelques points, notamment ceux qui donnent souvent lieu à des difficultés précontentieuses ou contentieuses.

Une référence au BIM (articles 2 et 4)

Le BIM fait une entrée dans ce nouveau CCAG MOE, puisque parmi les définitions de l’article 2 figurent les définitions du Cahier des Charges BIM et de la Convention BIM. Ces deux définitions reprennent des termes issus de la pratique, il n’y a rien de nouveau. Ces deux documents sont ensuite visés à l’article 4 relatif aux pièces contractuelles établissant un ordre de priorité déterminé. Le cahier des charges BIM arrive en 4e place, après l’acte d’engagement, le CCAP et ses annexes, le CCTP et ses annexes, le programme, le CCAG MOE. La convention BIM se place à la toute dernière place.

Si la transposition de la Directive marché publics de 2014 n’a pas abouti à ce que le recours au BIM soit imposé dans les marchés publics français, il est désormais acquis que le BIM est un outil voulu par les maîtrises d’ouvrages publiques, ce qui nécessite d’y faire référence dans le marché de maîtrise d’œuvre.

Ce qui était pratiqué de manière pragmatique par les parties est désormais consacré par le CCAG-MOE : il est nécessaire d’établir un cahier des charges BIM et une convention BIM lorsqu’un projet est réalisé en utilisant ce mode de travail collaboratif.

Un encadrement du seuil de tolérance en matière de respect des coûts des travaux (article 13)

Le respect du coût de travaux déterminé par le maître d’ouvrage pour la construction ou la réhabilitation de l’ouvrage projeté est un enjeu majeur pour le maître d’œuvre. Le sujet entraîne pourtant de nombreuses difficultés en pratique.

La stipulation de seuils de tolérance dans les pièces marché constitue une réponse contractuelle en autorisant le maître d’œuvre à dépasser les coûts de travaux imposés par la maîtrise d’ouvrage, dans la limite fixée par le seuil de tolérance. Ce seuil n’est jamais très élevé, mais permet une marge de manœuvre pour le maître d’œuvre.

L’article 13 du CCAG MOE consacre désormais la nécessité d’indiquer les seuils de tolérance appliqués dans les documents contractuels.

A noter qu’en l’absence de mention de seuils dans les pièces du marché, cet article 13 prévoit aussi des formules de calcul permettant de déterminer le seuil de tolérance applicable à la fois en cas de dépassement du coût prévisionnel des travaux et de dépassement du coût total définitif des travaux. Les formules de calcul ne sont pas les mêmes pour les opérations de construction neuve et pour les opérations de réhabilitation.

La rémunération des prestations supplémentaires ou des modifications (article 14)  

Il est habituel que la maîtrise d’ouvrage notifie des ordres de service à la maîtrise d’œuvre, afin de lui confier des prestations supplémentaires et/ou des modifications. La formalisation d’un accord précis permettant de déterminer le montant d’une éventuelle rémunération complémentaire du maître d’œuvre et les éventuelles incidences de cette mission complémentaire sur le calendrier du projet n’est pas toujours envisagée. Et ce, d’autant plus que ces prestations supplémentaires ou modifications sont parfois considérées par la maîtrise d’ouvrage comme une déclinaison des missions du marché initial. En fin de chantier, et même parfois en cours de chantier, se pose alors la question de leur qualification, ce qui peut aboutir à une réclamation de la part de la maîtrise d’œuvre.

L’article 14 du CCAG MOE encadre désormais le processus de demande de prestations supplémentaires et modificatives puisque l’ordre de service prévoyant des prestations supplémentaires doit fixer provisoirement un prix, après consultation du maître d’œuvre. Ce prix provisoire doit permettre une « juste rémunération » du maître d’œuvre. Est mise en place une procédure pour déterminer si le maître d’œuvre accepte ou non ce prix provisoire. En cas de désaccord, le maître d’ouvrage doit quand même payer ce prix provisoire.

Cet article prévoit aussi que le maître d’œuvre n’est pas tenu de se conformer à un ordre de service qui ne fait l’objet d’aucune valorisation financière. Le CCAG MOE vient donc contrecarrer une pratique courante qui consiste pour certaines maîtrises d’ouvrage à émettre des ordres de service en remettant à plus tard la discussion financière relative à la rémunération des prestations visées.

L’article 14 du CCAG MOE prévoit encore qu’il ne peut être émis d’ordres de service prescrivant au maître d’œuvre de réaliser des prestations complémentaires, que si le montant cumulé des ordres de service qui n’ont pas donné lieu à un avenant est inférieur à 10 % du montant HT du marché. Au-delà de ce seuil, le maître d’œuvre peut refuser d’exécuter l’ordre de service notifié, tant qu’il n’y a pas eu signature d’un avenant.

Le CCAG MOE contrebalance ainsi le caractère unilatéral des ordres de services, lesquels ne peuvent donc être utilisés par la maîtrise d’ouvrage pour éviter toute discussion sur les conséquences de la réalisation de prestations complémentaires et la formalisation d’un avenant.

La prolongation de la durée du chantier (article 15)

La durée du chantier est rarement respectée, et ce pour diverses raisons qui peuvent être totalement indépendantes de la maîtrise d’œuvre.

Le CCAG MOE prévoit ainsi qu’en cas de prolongation de la durée du chantier, dès lors que l’augmentation de la durée est supérieure de plus de 10 % par rapport à celle prévue dans les documents particuliers aux marchés, les parties doivent se rapprocher afin d’examiner les causes de ce retard et de déterminer si ce retard ouvre droit à rémunération complémentaire. Il s’agit uniquement d’une clause de rendez-vous et non pas d’une clause imposant le principe d’une rémunération complémentaire avec la maîtrise d’œuvre. Il ne pouvait pas en être autrement puisque les causes du retard peuvent être multiples.

Une clause de rendez-vous permet, en tout état de cause, d’aborder la question. La possibilité de pouvoir envisager une rémunération en contrepartie d’une prolongation de la seule durée du chantier est donc déjà une avancée, car c’est généralement un point qui fait l’objet de réclamations.

 

Cécile BENOIT-RENAUDIN

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