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Fusion-absortion et couverture de la dette de responsabilité par l’assureur

Le contrat d’assurance souscrit par la société absorbante n’a pas vocation à garantir la dette de responsabilité civile de la société absorbée pour des faits antérieurs à la fusion

Cass. Civ. 3eme, 26 novembre 2020, n°19-17.824

 

 

Dans un arrêt publié le 26 novembre 2020, la Cour de cassation est venue préciser l’étendue de la garantie du contrat d’assurance d’une société absorbante quant à la responsabilité civile de la société absorbée.

 

En l’espèce, des particuliers ont conclu un contrat de fourniture et d’installation d’une pompe à chaleur avec une société. Cette société a par la suite été absorbée par sa société mère. Cependant, des désordres liés à la pompe à chaleur se sont produits. Les maîtres de l’ouvrage ont agi en responsabilité décennale. La filiale ayant été absorbée, leur action était dirigée contre la société mère placée en liquidation judiciaire ainsi que contre son assureur.

 

Il est essentiel de préciser que les désordres se sont produits antérieurement à la fusion.

 

Le problème de droit auquel étaient confrontés les juges de la Haute juridiction était donc de savoir si l’assureur de responsabilité décennale de la société absorbante devait garantir la victime de la société absorbée, au titre des désordres antérieurs à la fusion absorption.

 

La Cour de cassation répond par la négative, considérant que même si la dette de responsabilité d’une société absorbée pour des faits commis par celle-ci avant la fusion est transmise à la société absorbante, l’assurance de responsabilité de cette dernière souscrite avant la fusion « n’a pas vocation à garantir le paiement d’une telle dette car le contrat d’assurance couvre, sauf stipulation contraire, la responsabilité de la seule société assurée, qui est l’unique bénéficiaire, à l’exclusion de toute autre même absorbée ensuite par celle-ci, de la garantie accordée par l’assureur en fonction de son appréciation du risque ».

 

La Cour de cassation s’appuie sur les termes de l’ancien article 1134 du Code civil ainsi que sur ceux de l’article L.236-3 du Code de commerce, lesquels disposent que :

 

  • « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » (ancien article 1134 du Code civil),
  • En cas de fusion entre deux sociétés par absorption de l’une par l’autre, la dette de responsabilité de la société absorbée est transmise de plein droit à la société absorbante (article L 236-3 du Code de commerce).

 

Il était soutenu, dans le pourvoi formé par l’assureur de la société absorbante (condamné en appel), que si la fusion transmet à la société absorbante l’actif et le passif de la société absorbée, cette transmission était insusceptible d’étendre le bénéfice de l’assurance de responsabilité souscrite par la société absorbante aux faits commis avant la fusion par la société absorbée, sauf à modifier le risque garanti.

 

La Cour de cassation a accueilli favorablement ce moyen, estimant que la cour d’appel ne pouvait considérer que le contrat d’assurance souscrit avait vocation à couvrir les désordres affectant l’ouvrage, le contrat visant exclusivement la responsabilité de la société mère.

 

Cette position rappelle que le contrat d’assurance responsabilité civile est marqué d’un fort intuitu personæ, c’est-à-dire souscrit en considération de la personne avec laquelle il a été conclu.

 

In fine, la Cour de cassation considère que l’assureur de la société absorbante n’avait pas pris en considération la fusion-absorption dans le cadre de la police d’assurance souscrite. La responsabilité couverte par le contrat d’assurance était donc celle de la société absorbante et elle seule.

 

Ainsi, l’intuitu personæ du contrat d’assurance s’opposait à ce que l’assureur couvre une dette de responsabilité issue de l’activité même de la société absorbée, dont l’assureur n’avait ni accepté, ni prévu de couvrir l’activité au titre de ce contrat.

 

Il convient de relever que le contrat d’assurance souscrit par la société absorbante contenait en l’espèce une clause stipulant que la garantie souscrite ne bénéficiait qu’à l’absorbante : « en dehors de toutes autres sociétés filiales ou concessionnaires, quel que soit le statut juridique ».

 

La cassation de l’arrêt de la cour d’appel apparaissait dans ces conditions difficilement évitables.

 

En effet, comme le souligne la Cour de cassation, la prise en compte de la fusion conduisait à modifier l’« appréciation du risque » faite initialement par l’assureur.

 

La Cour de cassation protège ainsi l’assureur de la société absorbante, en sa qualité de tiers à l’acte de fusion, contre les effets de la transmission universelle du patrimoine.

 

La société absorbante paraît quant à elle devoir supporter seule les conséquences néfastes de la fusion.

 

Jean-Philippe PELERIN & Sofiane MERIBAH

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