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L’intérêt à agir du SDC contre une autorisation d’urbanisme

L’appréciation de l’intérêt à agir à l’encontre d’une décision d’urbanisme d’un syndicat des copropriétaires voisin immédiat d’un projet de construction.

CE, 24 février 2021, n°432096

 

 

Depuis un célèbre arrêt publié au Recueil Lebon du 13 avril 2016, il est désormais bien établi que le voisin immédiat d’un terrain sur lequel un permis de construire a été délivré bénéficie, en principe, d’un intérêt pour agir à l’encontre de cette décision, dès lors qu’il fait état d’éléments suffisamment précis et étayés susceptibles d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien (CE, 13 avril 2016, Bartolomei, req. n° 389798).

 

Le Conseil d’État posait ainsi une « présomption simple » d’intérêt à agir du voisin immédiat d’un projet de construction, à charge pour le titulaire du permis de construire d’en démontrer l’inexistence.

 

Dans sa décision du 24 février 2021, mentionnée aux tables du Recueil, le Conseil d’État vient affiner un peu plus cette jurisprudence en jugeant, au visa de l’article L.600-1-2 du code de l’urbanisme, que :

 

« 6. Il résulte de ces dispositions qu’il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous les éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l’excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat, justifie, en principe, d’un intérêt à agir lorsqu’il fait état devant le juge, qui statue au vu de l’ensemble des pièces du dossier, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction. Il en va de même lorsque le requérant est un syndicat de copropriétaires ».

 

L’apport de cet arrêt réside donc dans la dernière phrase de ce considérant de principe facilement identifiable depuis l’arrêt Bartolomei du 13 avril 2016.

 

En première instance, le Tribunal administratif de Marseille a considéré qu’un syndicat des copropriétaires, arguant pour justifier de son intérêt à agir, de « l’importance du projet, conduisant à la construction de 74 logements en vis-à-vis de la résidence et entraînant un triplement de la surface bâtie existante sur la parcelle du terrain d’assiette du projet ainsi qu’à la création de 124 places de stationnement », se bornait à évoquer des préjudices sans « invoquer d’atteintes collectives pour les propriétaires de la résidence « La Dauphine » et de troubles précis de voisinage induit par l’opération immobilière litigieuse notamment pour les partie commune » (TA de Marseille, 29 avril 2019, SDC de la Résidence La Dauphine et autres, req. n° 1608896).

 

Suivant en cela son rapporteur public, le Conseil d’État a estimé que les premiers juges ont commis une erreur dans l’appréciation de la qualité de voisins immédiats en y appliquant un filtre supplémentaire, lequel était fondé sur l’objet des syndicats de copropriété et, plus particulièrement, sur l’atteinte collective liée aux parties communes ou aux droits afférents à l’immeuble.

 

Le rapporteur public Sirinelli estimait ainsi que les premiers magistrats avaient opéré une confusion en jugeant, au visa du considérant de principe du voisin immédiat, l’intérêt à agir d’un syndicat des copropriétaires sans lui faire bénéficier de cette présomption simple ou, plus exactement, de « cette facilité accordée au voisin immédiat, qui peut se limiter à faire état d’éléments relatifs au projet, sans démontrer leur lien avec ses intérêts » (Conclusions RP Sirinelli sous arrêt du CE 24 février 2021, SDC La Dauphine et autres, req. n° 432096).

 

Cette solution s’intègre dans la lignée des dernières décisions inédites rendues par le Conseil d’État s’agissant de l’intérêt à agir de syndicat de copropriétaire requérant (voir CE 18 mai 2018, Syndicat des copropriétaires de la communauté immobilière Oliveraie de Bellet, req. n° 412174).

 

La grille de lecture est désormais simplifiée :

 

  • soit le syndicat des copropriétaires est voisin immédiat du projet et il bénéficie de la présomption accordée à tous les voisins immédiats et il pourra faire état des seules caractéristiques du projet pour justifier de son intérêt à agir ;
  • soit le syndicat des copropriétaires n’est pas voisin immédiat du projet et il devra faire état des intérêts défendus par les articles 14 et 15 de la loi du 10 juillet 1965 pour établir son intérêt à agir.

 

Si cette solution nous livre une appréciation clarifiée de l’intérêt à agir d’un syndicat des copropriétaires, elle permet également de déterminer, en défense, les éléments susceptibles de remettre en cause le recours d’un syndicat des copropriétaires, selon qu’il est ou non voisin immédiat du projet de construction.

 

 

 

Guillaume ROUGEOT

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