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La déclaration de travaux à proximité des réseaux n’empêche pas d’engager une procédure de référé-préventif

Cass. Civ. 3ème 16 février 2022, n°21-11.926

Par un arrêt rendu le 16 février 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a jugé que la réglementation relative aux travaux effectués à proximité des ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques n’exclut pas la possibilité d’engager une procédure de référé préventif à la condition qu’il existe un motif légitime.

Le référé préventif est une procédure qui permet de constater l’état des immeubles existants à proximité d’un projet de construction avant le début des travaux.

Il a pour objectif de prévenir d’éventuelles sources de mise en cause de la responsabilité d’un promoteur par les riverains ou les concessionnaires au titre de leurs réclamations et de mettre en évidence les seules dégradations de leurs habitations ou infrastructures véritablement en lien avec le chantier.

Pour la mise en œuvre de cette procédure, le promoteur, par le biais de son avocat, sollicite la désignation par le tribunal d’un expert judiciaire pour établir un « état descriptif et qualitatif des propriétés riveraines du chantier, et déterminer, le cas échéant, les désordres qui pourraient être imputés aux travaux ».

La procédure de référé préventif est fondée sur l’article 145 du Code de procédure civile qui impose, notamment, que soit établie l’existence d’un motif légitime de réalisation de l’expertise sollicitée.

En marge de cette demande d’expertise, afin de prévenir les risques d’endommagement des réseaux enterrés, aériens ou subaquatiques à proximité du chantier, le maître de l’ouvrage/promoteur est tenu d’adresser à la fois une déclaration de projet de travaux (DT) et une déclaration d’intention de commencement des travaux (DICT) aux concessionnaires ayant des réseaux à proximité immédiate du projet (articles L. 554-1 et suivants et R. 554-20 et suivants du code de l’environnement).

En l’espèce, une société souhaitant réaliser une opération immobilière impliquant des travaux de démolition et de construction sur un terrain lui appartenant, avait saisi le juge des référés sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile pour obtenir la désignation d’un expert judiciaire à titre préventif.

Toutefois, la société exploitant une canalisation de gaz située à proximité s’est opposée à la procédure et a sollicité sa mise hors de cause en invoquant une absence de motif légitime à son égard.

La société concessionnaire du réseau gazier a été déboutée de sa demande de mise hors de cause en référés et en appel et s’est pourvue en cassation, reprochant à la Cour d’appel d’avoir ordonné l’expertise à son encontre.

La Cour d’appel avait retenu que l’expertise sollicitée apparaissait utile à l’encontre de la société concessionnaire, dès lors qu’elle était de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur, le promoteur étant à même, grâce à la mesure de référé-préventif, de venir discuter si nécessaire les désordres occasionnés à l’occasion du chantier, en ce compris ceux mettant en cause les installations de la société concessionnaire, dans une situation plus favorable que si l’expertise n’avait pas été ordonnée.

La société concessionnaire soutenait que les travaux envisagés à proximité de ses ouvrages doivent faire l’objet d’une procédure obligatoire de déclaration et de suivi spécifique (déclaration de projet de travaux et déclaration d’intention de commencement des travaux) rendant inutile la procédure d’expertise in futurum sollicitée pour ses réseaux. Selon la société concessionnaire, le respect de la procédure DT/DICT suffisait à assurer au promoteur les éléments de preuve qu’il recherchait.

La Cour de cassation devait donc se prononcer sur la question de savoir si un maître de l’ouvrage justifie d’un motif légitime pour solliciter une expertise en vue de déterminer les désordres susceptibles d’être imputables à ses travaux, alors même que des dispositions impératives sont prévues par la loi pour les canalisations enterrées.

La Haute juridiction a rejeté le pourvoi de la société concessionnaire et a jugé :

  • D’une part, que la réglementation relative aux travaux effectués à proximité des ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques n’exclut pas la possibilité d’engager une procédure de référé préventif.

Sur ce point, le promoteur justifiait avoir respecté les formalités administratives de DT et DICT démontrant que la procédure de référé préventif n’avait pas pour objet de contourner la réglementation prévue par le code de l’environnement pour les travaux effectués à proximité des canalisations enterrées.

  • D’autre part, que les juges du fond avaient retenu que l’expertise sollicitée présentait une utilité suffisante en ce qu’elle permettrait au maître de l’ouvrage de discuter des éventuels désordres occasionnés aux réseaux.

Par cette justification, la Cour de cassation rappelle que la notion de « motif légitime » visée à l’article 145 du Code de procédure civile est laissée à l’appréciation des juges du fond.

Ainsi, la Cour de cassation rappelle implicitement que le motif légitime constitue une considération de fait échappant à son contrôle et juge que la Cour d’appel a souverainement apprécié que le maître de l’ouvrage justifiait en l’occurrence, en raison de la prévention des risques liés aux travaux, d’un motif légitime pour solliciter l’expertise.

En conclusion, la réglementation relative aux travaux effectués à proximité des ouvrages souterrains, aériens ou subaquatiques n’exclut pas la possibilité d’engager une procédure de référé préventif permettant à un maître d’ouvrage d’obtenir la désignation d’un expert avant tout procès, notamment pour prévenir les risques de dommages imminents causés aux voisins, y compris les exploitants des réseaux, à la condition qu’il existe un motif légitime.

 

Sofiane MERIBAH

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