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Conséquences de la résiliation d’un contrat d’architecte en présence de prestations dissociables ou indissociables

Cass. Civ. 3ème, 8 juillet 2021, pourvoi n° 20-12.917

Dans cet arrêt, la Cour de cassation intervient en matière de résiliation d’un contrat d’architecte, estimant que la résiliation d’un tel contrat ne peut être prononcée qu’en cas d’inexécution d’une partie des prestations ou de l’ensemble de ces dernières lorsqu’elles forment un tout indivisible.  

L’article 1184 alinéa 1 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à la réforme du droit des contrats, disposait que :

« La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement. »

L’ordonnance n°2016-131 en date du 10 février 2016, dont les dispositions sont entrées en vigueur le 1er octobre 2016, conserve la possibilité de résoudre le contrat aux articles 1217, 1224 et 1225 du Code civil.

La résolution de contrat y est cependant présentée comme la conséquence naturelle d’une inexécution contractuelle, plutôt que l’application d’une clause résolutoire tacitement acceptée par les parties signataires. 

Pour rappel, un contrat à exécution successive est défini par le Code civil comme un contrat « dont les obligations d’au moins une partie s’exécutent en plusieurs prestations échelonnées dans le temps » (article 1111-1 alinéa 2 du Code civil). Sa résiliation n’a en principe pas d’effet rétroactif, contrairement à la résolution d’un contrat à exécution instantanée qui tend à remettre les parties dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant la signature de la convention.

En l’espèce, une société d’architectes avait dessiné les plans visant à réaliser la construction d’un atelier d’imprimerie.  A la suite d’un différend entre les parties, le maître de l’ouvrage a confié le projet à un autre architecte.

Arguant d’une rupture fautive du contrat, la société d’architectes a assigné le maître d’ouvrage afin d’obtenir le paiement de ses honoraires ainsi que le versement de dommages intérêts.

Par un arrêt en date du 10 septembre 2019, la Cour d’appel de Dijon a condamné le maître d’œuvre à rembourser au maître d’ouvrage la somme de 45.000 euros correspondant aux honoraires versés par ce dernier au titre de l’exécution du contrat.

La Cour de cassation infirme l’arrêt d’appel et distingue la portée de la résiliation judiciaire d’un contrat synallagmatique à exécution échelonnée selon que les prestations réalisées sont dissociables ou indissociables. 

Elle retient qu’en présence d’un contrat à exécution successive, « la résiliation judiciaire n’opère pas pour le temps où le contrat a été régulièrement exécuté », à moins que ces prestations « forment un tout indivisible ».

De manière didactique, la Cour de cassation rappelle que toute résiliation d’un contrat à exécution successive suppose que soit caractérisée au préalable l’existence d’une inexécution contractuelle ou une exécution imparfaite des prestations prévues au contrat depuis sa signature, et que soit relevé si lesdites prestations étaient dissociables ou non.

On peut ainsi retirer de cet arrêt qu’en présence d’une inexécution contractuelle partielle d’un contrat à exécution successive, la résiliation judiciaire ne peut être rétroactive et porter sur l’ensemble des prestations réalisées depuis l’origine du contrat, à moins que l’ensemble de ces prestations ne forment un tout indivisible.

L’architecte est donc en droit de percevoir les honoraires correspondant aux prestations réalisées conformément au contrat malgré la résiliation de ce dernier.

Cette solution s’inscrit dans le prolongement de jurisprudences antérieures au titre desquelles, au visa de l’article 1184 du Code civil ancien, la Cour de cassation a déjà considéré qu’il fallait déterminer au préalable si les prestations de l’architecte formaient un tout indissociable avant de prononcer la résolution du contrat, la gravité de la faute de ce dernier n’étant pas un motif susceptible d’être pris en compte (Cass. Civ. 1ère, 8 octobre 2009, pourvoi n° 08-17.437 ; Cass. Civ. 3ème, 15 mars 2006, pourvoi n° 04-18.556).

 

Emma LE BOUIL

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