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La responsabilité de l’expert judiciaire au titre des erreurs d’appréciation contenues dans son rapport d’expertise

Cass. Civ 3ème, 18 janvier 2023, pourvoi n°21-22.214

Par un arrêt récent, la Cour de cassation nous rappelle que la responsabilité de l’expert judiciaire peut être engagée lorsqu’il est démontré que ses erreurs d’appréciation ont occasionné un préjudice aux parties qui fondent leur action sur son rapport d’expertise (Cass. Civ. 2ème 20 juillet 1993, n°92-11.209).

En l’occurrence, des époux avaient conclu avec une entreprise, un contrat de construction de maison individuelle.

La réception des travaux était intervenue avec réserves le 9 janvier 2004.

La prise de possession de la maison par les époux avait eu lieu de manière concomitante.

Toutefois, ces derniers avaient retenu le solde du prix du marché.

Le constructeur de maison individuelle a alors assigné les époux afin de solliciter leur condamnation au paiement du solde du marché.

A l’occasion de cette procédure, une expertise judiciaire est diligentée.

A l’issue du dépôt du rapport de l’expert judiciaire, les époux ont assigné le constructeur de maison individuelle, aux fins de solliciter l’annulation du contrat de construction de maison individuelle et sa condamnation à les indemniser de leurs préjudices.

En effet, le rapport contenait tellement d’erreurs que cela revenait à nier la réalité des désordres affectant les ouvrages.

Constatant que cela rendait illusoire d’obtenir la condamnation du constructeur au titre de sa responsabilité sur le fondement du contrat, les acquéreurs se sont trouvés contraints de solliciter la nullité du marché plutôt que le versement de dommages-intérêts.

Par la suite, les époux ont intenté une action en responsabilité à l’encontre de l’expert judiciaire, contestant les termes de son rapport d’expertise.

Ils faisaient valoir qu’ils n’auraient pas, sans les erreurs d’appréciation commises par l’expert dans son rapport, fait le choix procédural de solliciter l’annulation du contrat de construction de maison individuelle.

Or, ce choix procédural les privait de la possibilité de solliciter la condamnation du constructeur à payer des indemnités au titre du retard dans l’exécution de ses travaux et la conservation du bénéfice de la retenue de garantie.

Ainsi, les époux ont également sollicité la condamnation de l’expert judiciaire à leur rembourser une certaine somme correspondant à l’achat d’un système de chauffage d’appoint qu’ils ont engagés du fait de la carence de l’expert judiciaire, afin de se chauffer pendant la durée de la procédure, portant atteinte au premier système de chauffage et se privant ainsi de la possibilité d’établir les désordres dont il était affecté.

La Cour d’appel a rejeté les demandes indemnitaires des époux en retenant que la perte de ces sommes résulterait de leur choix procédural de solliciter l’annulation du contrat, « qui a été fait en toute connaissance de cause »

La Cour de cassation censure la Cour d’appel au motif que cette dernière n’a pas donné de base légale à sa décision en omettant de rechercher, « comme il le lui était demandé, si les préjudices invoqués [par les époux] n’avaient pour origine, au moins pour partie, les fautes commises par l’expert dans l’établissement de son rapport ».

Ainsi, la Cour casse l’arrêt d’appel en ce qu’il a rejeté les demandes indemnitaires des époux relatives au retard dans l’exécution des travaux, à la retenue de garantie ainsi qu’à l’achat d’un second système de chauffage, visant la responsabilité extracontractuelle de l’expert judiciaire.

Il n’existe donc pas d’impunité de l’expert judiciaire qui n’échappe pas aux dispositions de l’article 1240 du Code civil : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Chloé DUVIVIER 

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