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Mobilisation de la garantie de parfait achèvement et devoir de conseil du constructeur en cas de désordre affectant les matériaux choisis par le maître d’ouvrage

Cass.Civ.3ème 15 avril 2021, n°19-25.748

 

Dans cet arrêt en date du 15 avril 2021, la Cour de cassation raisonne en deux temps et se prononce tout d’abord sur les modalités de mise en œuvre de la garantie de parfait achèvement en l’absence de notification au locateur d’ouvrage antérieure à l’assignation, puis sur le devoir de conseil du constructeur en cas de désordres affectant les matériaux choisis par le maître de l’ouvrage.

L’article 1792-6 du Code civil offre au maître de l’ouvrage une garantie d’un an à l’encontre de l’entrepreneur intervenu sur son ouvrage, dont le délai commence à courir à compter de la réception. Cette garantie dite de parfait achèvement permet d’obtenir la réparation des désordres nés au cours de cette année, suivant la réception, dès lors qu’ils ont été signalés par le maître de l’ouvrage « par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception ».

En l’espèce, l’acquéreur avait acquis son bien en vente en l’état futur d’achèvement et avait obtenu la dépose et le remplacement de son parquet, avant la prise de possession du bien. Arguant d’un retard de livraison mais également de désordres affectant son nouveau parquet, l’acquéreur a alors assigné en réparation son vendeur dans le délai de parfait achèvement. Le vendeur, quant à lui, a appelé en intervention forcée l’entreprise en charge du lot litigieux, à savoir le lot « sols souples-parquets », aux fins de garantie.

Par un arrêt en date du 17 octobre 2019, la Cour d’appel de Versailles a rejeté la demande de garantie formée par le maître de l’ouvrage, à défaut de notification écrite préalable des désordres adressée à l’entreprise.

La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel, considérant que l’assignation, même si elle a été délivrée avant l’expiration du délai de parfait achèvement, « ne peut suppléer » la notification préalable des désordres révélés postérieurement à la réception. La demande de garantie du maître de l’ouvrage sur le fondement de la garantie de parfait achèvement doit donc être rejetée.

Il en ressort  qu’une assignation en justice ne vaut pas notification écrite des désordres nés dans le délai d’un an suivant la réception, selon la lettre de l’article 1792-6 du Code civil. Un courrier préalable à l’attention de l’entreprise en charge des travaux litigieux est donc indispensable pour mobiliser la garantie de parfait achèvement.

Cette interprétation du texte s’inscrit dans une logique pré-contentieuse, permettant à la société titulaire du lot concerné d’être informée de l’existence des désordres dénoncés par l’acquéreur et d’être mise en mesure d’intervenir en  réparation avant toute action en justice.

Dans le second moyen retenu par la Cour de cassation, le vendeur, rappelant l’existence du devoir de conseil et d’information du constructeur à l’égard du maître de l’ouvrage, contestait la décision d’appel au motif que la Cour d’appel de Versailles s’était bornée à constater qu’il n’existait « aucun défaut de pose et d’exécution imputable » à l’entreprise et à considérer que le choix du modèle du parquet était le fait exclusif du maître de l’ouvrage, sans rechercher si l’entreprise n’avait pas manqué à ses obligations d’information et de conseil.

Au visa de l’article 1147 du Code civil (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016), la Cour de cassation casse partiellement l’arrêt d’appel. Les juges d’appel n’ont pas donné de base légale à leur décision, dès lors qu’ils avaient constaté que le parquet se dégradait anormalement vite au regard de l’usage auquel il était destiné, sans pour autant s’assurer que le maître de l’ouvrage avait été informé de son inadaptation aux lieux de vie concernés.

Autrement dit, il ressort de ce raisonnement que le constructeur peut voir sa responsabilité contractuelle engagée pour défaut d’information et de conseil à l’égard du maître de l’ouvrage en cas de désordre affectant des matériaux choisis par ce dernier et se révélant inadaptés.

A contrario, l’entreprise ayant rempli son devoir d’information et de conseil pourrait se voir exonérée de responsabilité dans l’hypothèse où le maître d’ouvrage aurait délibérément choisi un certain type de matériaux après information des risques liés à leur pose, comme cela a pu être confirmé par la Cour de cassation par le passé, notamment dans un arrêt en date du 20 mars 2002 (Cass, Civ. 3ème, 20 mars 2002, n°99-20.666).

 

Emma LE BOUIL

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