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Régulation des locations de courte durée à Paris

Victoire de la Ville de Paris pour la régulation des locations de courte durée

Cass. Civ. 3ème, 18 février 2021, n°17-26.156, Cali Apartments c/ Procureur général et Ville de Paris

Cass. Civ. 3ème, 18 février 2021, n°17-26.158, Mme B. K. c/ Procureur général et Ville de Paris

Cass. Civ. 3ème, 18 février 2021, n°19-11.462, Herlytte c/ Ville de Paris

Cass. Civ. 3ème, 18 février 2021, n°19-11.577, Mme R. X. S c/ Ville de Paris et M. K

Cass. Civ. 3ème 18 février 2021, n°19-13.191, Ville de Paris c/ Mme A. X et Mme B. Y

 

Dans cinq espèces similaires opposant à chaque fois, le propriétaire d’un bien immobilier, d’une part, et la Ville de Paris, d’autre part, la troisième chambre civile de la Cour de cassation devait statuer sur la conformité des articles L. 631-7 alinéa 6 et L. 631-7-1 du Code de la Construction et de l’Habitation (« CCH ») à la Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur (la « Directive Services »).

 

Pour mémoire, l’article L. 631-7 alinéa 6 du CCH prévoit que  le fait de louer, dans les communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, « un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article », tandis que l’article L. 631-7-1 du même Code confie au maire de ces communes (ou de l’arrondissement en ce qui concerne Paris, Marseille et Lyon) dans laquelle est situé l’immeuble la faculté de délivrer l’autorisation préalable de changement d’usage et attribue au conseil municipal le soin de fixer les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations et déterminées des compensations (i.e., le propriétaire du bien loué devra, en contrepartie de l’autorisation de changement d’usage, proposer à la commune un bien immobilier de qualité et de surface équivalentes à celui faisant l’objet du changement d’usage ou procéder à un rachat de droits à la commercialité).

 

Ces cinq arrêts étaient particulièrement attendus.

 

Ils s’inscrivaient en effet dans la droite ligne d’un précédent arrêt rendu par la Cour de cassation le 15 novembre 2018 (Cass. Civ. 3ème, 15 novembre 2018, n°17-26.156) qui avait, par un renvoi préjudiciel, interrogé la Cour de justice de l’Union européenne (la « CJUE ») sur la comptabilité des articles susvisés à la Directive Services et sursis à statuer dans l’attente de la décision de la CJUE.

 

Dans l’arrêt précité en date du 15 novembre 2018, le propriétaire, demandeur au pourvoi, faisait grief à l’arrêt de la Cour d’appel de l’avoir condamné au paiement d’une amende et d’avoir ordonné le retour du local loué à l’usage d’habitation en application notamment de l’article L. 631-7 alinéa 6 et L. 651-2 du CCH, au motif que la Cour d’appel aurait « violé le principe de primauté du droit de l’Union européenne » dont les articles 9 et 10 de la Directive « Services » (1) font partie intégrante. 

 

Statuant sur le renvoi préjudiciel de la Cour de cassation, la CJUE (CJUE, 22 septembre 2020, C‑724/18 et C‑727/18), a notamment jugé, au visa de l’article  9, §1, sous b) et c) de la Directive « Services », que les conditions d’accès et d’exercice à l’activité décrites à l’article L. 631-7 du CCH sont justifiées « par une raison impérieuse d’intérêt général tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location et proportionnée à l’objectif poursuivi, en ce que celui-ci ne peut être réalisé par une mesure moins contraignante, notamment parce qu’un contrôle a posteriori interviendrait trop tardivement pour avoir une efficacité réelle ».

 

La CJUE a ensuite reconnu que l’article 10, §2 devait être interprété en ce qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale instituant un régime qui subordonne à une autorisation préalable l’exercice de l’activité visée à l’article L. 631-7 du CCH et confiant aux autorités locales le pouvoir de préciser les conditions d’octroi des autorisations prévues au regard des critères de l’article L. 631-7-1, « pour autant que ces conditions d’octroi soient conformes aux exigences fixées par cette disposition et que cette obligation puisse être satisfaite dans des conditions transparentes et accessibles ».

 

Dans les arrêts rendus le 18 février 2021, la troisième chambre de la Cour de cassation adopte l’interprétation de la CJUE au visa de l’article 9, §1, sous b) et c) de la Directive Services, en reprenant les motifs de la Haute juridiction européenne.

  

S’agissant de la conformité à l’article 10 de la Directive Services, la Cour de cassation a considéré :

 

– d’une part, que les critères « de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage » de l’article L. 631-7, alinéa 6 du CCH répondent aux exigences de « clarté, d’objectivité et de non-ambiguïté », en se référant à la réglementation nationale, et en particulier à l’article L. 632-1 du CCH, pour juger et préciser que « le fait de louer, à plus d’une reprise au cours d’une même année, un local meublé pour une durée inférieure à un an, telle qu’une location à la nuitée, à la semaine ou au mois, à une clientèle de passage qui n’y fixe pas sa résidence principale au sens de l’article 2 de la loi du 6 juillet 1989 constitue un changement d’usage d’un local destiné à l’habitation et, par conséquent, est soumis à autorisation préalable ».

 

– d’autre part, que les critères posés par l’article L. 631-7-1 pour encadrer l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités compétentes sont justifiés par une raison d’intérêt général, répondent à l’exigence de proportionnalité, et respectent les conditions de clarté, de non-ambiguïté et d’objectivité ainsi que de publicité préalable, de transparence et d’accessibilité.

 

La Cour de cassation entérine donc l’interprétation de la CJUE des articles L. 631-7 alinéa 6 et L. 631-7-1 du CCH au regard de la Directive Services et vient mettre un terme aux nombreux sursis à statuer prononcés par l’ensemble des juridictions du premier et second degré dans l’attente de cette décision.

 

Ainsi, conformément aux articles L. 631-7 alinéa 6 et L. 631-7-1 du CCH, les propriétaires d’un local destiné à l’habitation, situé dans les communes de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, ne pourront pas le louer, « à plus d’une reprise au cours d’une même année » et « pour une durée inférieure à un an » sans avoir obtenu l’autorisation préalable de changement d’usage de la commune de la situation de leur bien immobilier.

 

 

 

 

Marie-Ketty PROM

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