Cass. Civ. 3ème, 6 juin 2024, pourvoi n°23-11.336
Dans cet arrêt, la Cour de cassation vient rappeler une solution connue (Cass. Civ. 3ème, 20 novembre 1991, pourvoi n°89-14.867) mais que les praticiens peuvent avoir tendance à oublier en voulant caractériser la gravité du désordre par rapport à l’importance des travaux de reprise.
Or, la garantie de l’assureur dommages-ouvrage est due uniquement pour les dommages de nature décennale et ne permet pas de garantir les défauts de conformité qui n’entrent pas dans cette catégorie quand bien même une démolition-reconstruction de l’ouvrage serait nécessaire pour réparer ces non-conformités.
Au cas particulier, un maître d’ouvrage a conclu avec un constructeur un contrat de construction de maison individuelle.
Un contrat d’assurance dommages ouvrage a été souscrit et une garantie de livraison a été fournie.
Par la suite, le maître d’ouvrage a contesté les travaux réalisés par le constructeur et, après expertise et liquidation judiciaire du constructeur, a conclu une transaction avec le garant de livraison prévoyant le règlement d’une indemnité correspondant au prix de la démolition-reconstruction de l’ouvrage.
Le garant de livraison, subrogé dans les droits du maître d’ouvrage, a alors assigné l’assureur dommages ouvrage en paiement sur le fondement de l’article 1792 du code civil mais a été débouté de sa demande.
Au soutien de son pourvoi, le garant de livraison a reproché à la cour d’appel d’avoir écarté sa demande alors que, selon lui, la nécessité de démolir et reconstruire l’ouvrage pour réparer les désordres qui l’affectent caractérisait nécessairement un dommage de nature décennale.
La Cour rejette son pourvoi en considérant que si la démolition pouvait être nécessaire pour mettre l’ouvrage en conformité avec les prévisions contractuelles, cette nécessité ne découlait pas de l’existence d’un dommage de nature décennale.
Autrement dit, même dans l’hypothèse où une démolition-reconstruction d’un ouvrage est nécessaire pour permettre une mise en conformité avec les prévisions du contrat, la garantie de l’assureur dommages ouvrage ne sera pas acquise pour autant.
Faute de pouvoir caractériser un désordre de nature décennale, il appartiendra alors au maître d’ouvrage d’assigner le constructeur sur le fondement du droit commun : cette voie sera nécessairement plus aléatoire.
En effet, à supposer même que les conditions de sa responsabilité soient réunies, le constructeur sera en mesure de pouvoir s’opposer aux travaux de démolition-reconstruction en se prévalant de l’exception de disproportion posée par l’article 1221 du code civil, ce que la Cour de cassation a d’ailleurs récemment admis dans une telle hypothèse (Cass. Civ. 3ème 6 juillet 2023, pourvoi n°22-10.884).
Bertrand RABOURDIN
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