Cass. Civ. 3ème, 4 juillet 2024, n° 23-13.822, Publié au Bulletin
Par un arrêt remarqué du 4 juillet 2024, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation a été amenée à préciser les conséquences de l’application de la garantie d’éviction, due par le cédant au cessionnaire, en application de l’article 1630 du Code civil, à la cession irrégulière d’un bail commercial.
Cet arrêt s’inscrit dans le cadre d’une précédente jurisprudence de la Cour de cassation qui avait déjà confirmé le principe selon lequel « en l’absence d’une clause de non-garantie et nonobstant le fait que l’acquéreur ait eu connaissance, à la date de son engagement, du risque d’éviction auquel il pouvait être exposé, la garantie du cédant était due » (Cass. Civ. 3ème 24 juin 1998, 96-19.042, Publié au bulletin).
En l’espèce, un locataire avait cédé son droit au bail, dans le cadre d’un acte irrégulier, ce qui a conduit le bailleur à obtenir la résiliation judiciaire du bail en question en raison justement de l’irrégularité de ladite cession.
La résiliation était prononcée aux torts exclusifs du locataire cédant.
En conséquence, le locataire cédant a été expulsé ainsi que, selon l’expression consacrée, tout occupant de son chef.
Le locataire cédant était également condamné au paiement d’une certaine somme au titre des loyers et indemnités d’occupation au profit du bailleur.
Après avoir quitté les lieux, le cessionnaire évincé, a assigné son cédant, sur le fondement des dispositions susvisées de l’article 1630 du Code civil pour faire jouer la garantie d’éviction qui lui était due.
A titre reconventionnel, le locataire cédant a sollicité le remboursement par le cessionnaire évincé des loyers et indemnités d’occupation versés au bailleur, pour toute la période écoulée depuis la cession irrégulière jusqu’à la restitution des locaux au bailleur, s’appuyant en cela sur la nature de l’indemnité d’occupation, due uniquement par l’occupant.
La cour d’appel avait écarté cette demande reconventionnelle.
La Cour de cassation, à sa suite, a rejeté le pourvoi du locataire cédant, dont elle ne manque pas de souligner l’attitude fautive ayant conduit à la résiliation judiciaire du bail à ses torts exclusifs.
D’après la Cour de cassation, le locataire cédant devant garantir son cessionnaire de l’éviction qu’il lui a causée par sa seule faute, il ne pouvait pas prétendre obtenir du cessionnaire évincé le remboursement des loyers et indemnités d’occupation qu’il a payés au bailleur pour la période écoulée depuis la cession du bail commercial jusqu’à la restitution des locaux au bailleur, et ce, malgré le fait que le cessionnaire évincé, juridiquement irréprochable, était alors seul à avoir occupé les locaux.
Cet arrêt rappelle donc avec force l’importance qu’il convient de porter aux clauses de cession insérées aux baux commerciaux cédés, ou à tout le moins aux dispositions de droit commun des articles 1216 et 1690 du Code civil, en l’absence d’une clause de garantie spécifique à l’acte.
Ariel BITTON
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