Cass. civ. 3ème, 11 mai 2023, n° 22-15.705
Dans un arrêt rendu le 11 mai 2023, la Cour de cassation a rappelé que l’interruption de la prescription résultant d’une demande en justice ne s’étend à une autre demande que lorsque les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.
Cette solution n’est pas novatrice, puisqu’elle s’inscrit dans le cadre d’une jurisprudence constante (Cass. civ. 1ère 5 octobre 2016 – n° 15-25.459 ; Cass. civ. 2ème 8 juillet 2021 n° 20-12.005).
En l’espèce, une société s’est vue confier en sous-traitance par une société de construction intervenant en qualité de contractant général, des travaux de façades dans le cadre d’une opération de construction initiée par une S.C.I.
Pendant les travaux, la société de construction a accepté les devis du sous-traitant pour des travaux supplémentaires.
Un décompte général définitif est communiqué sans que le paiement n’intervienne.
Le sous-traitant a adressé le 4 mai 2015 une mise en demeure à la société de construction pour réclamer le solde de ses travaux, sans succès.
À la suite d’une demande de la SCI et de la société de construction, un Expert judiciaire est désigné par ordonnance de référé du 10 février 2016.
Le sous-traitant est intervenu volontairement dans cette procédure et a en outre assigné au fond le 17 juillet 2019 la société de construction en paiement du solde de sa facture.
La société de construction a soulevé l’argument de la prescription de l’action au fond en se basant sur l’article 2224 du Code civil, affirmant que l’interruption de la prescription ne s’applique pas à une autre demande, à moins que les deux actions ne tendent à un seul et même but.
La Cour d’appel de NANCY, dans son arrêt du 9 mars 2022 a relevé que l’intervention du sous-traitant dans la procédure de référé visait à rendre commune et opposable l’ordonnance de désignation de l’Expert, ce qui était lié à l’action principale de la SCI et de la société de construction.
La Cour a donc conclu que l’intervention du sous-traitant dans le cadre de la procédure de référé avait interrompu le délai de prescription de son action en paiement des travaux, car cette action était virtuellement comprise dans l’action visant à obtenir une mesure future.
Par conséquent, l’action du sous-traitant n’était pas prescrite au moment où il a assigné au fond la société de construction.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la société de construction confirmant ainsi la décision de la Cour d’appel.
Cette analyse rappelle donc les conditions de l’extension de l’effet interruptif de prescription à une autre action.
En principe, l’effet interruptif de la prescription ne s’étend pas d’une action à une autre.
Cependant, la jurisprudence a admis de longue date que l’effet interruptif de prescription peut s’étendre à une autre action, lorsque les deux actions procèdent d’une même cause.
En l’occurrence, la Cour d’appel avait également souligné l’existence d’un lien entre l’intervention du sous-traitant dans la procédure de référé et son action en paiement des travaux, considérant que les deux actions tendaient à un seul et même but, malgré leur cause distincte.
Ce qui a été confirmé par la Cour de cassation.
Ainsi, cet arrêt souligne l’importance de démontrer un lien entre les différentes actions pour justifier de l’extension de l’interruption de la prescription d’une action à une autre.
Victoire KOLINGAR-LHERMENIER