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Cass. Civ. 3ème, 10 novembre 2021 – Pourvoi n° 20-19.372

Par cette décision rendue le 10 novembre 2021, la Cour de cassation a apporté des précisions utiles sur la qualification de contrat de contractant général et également sur les sanctions applicables en cas de manquement aux obligations de garanties inhérentes au contrat de sous-traitance.

Dans cette espèce, une société A avait confié un contrat de promotion immobilière à une société B, en vue de la réalisation d’un ensemble commercial. La société B avait conclu un contrat dénommé « contrat de contractant général » avec la société C, afin de permettre la réalisation de ce projet immobilier, laquelle avait confié plusieurs marchés de travaux à la société D.

1°/ La première question posée à la Cour de cassation était de savoir si le contrat dénommé « contrat de contractant général » devait être qualifié de contrat d’entreprise ou bien de contrat de mandat.

En effet, au soutien de son pourvoi, l’entrepreneur principal affirmait que :« le contrat de contractant général constitue un contrat de mandat lorsque le maître de l’ouvrage confie au contractant général, en contrepartie d’un prix convenu, la réalisation de l’ensemble du projet immobilier, avec un pouvoir de représentation, sans avoir à effectuer aucun acte matériel ou intellectuel de construction » (souligné par nos soins).

La Cour de cassation rejette l’argumentaire soulevé par l’entrepreneur principal après avoir analysé les missions qui lui avaient été confiées par le promoteur immobilier.

L’objet du contrat prévoyait que l’entrepreneur principal devait assurer « la réalisation des études et des travaux de construction de l’immeuble, avec pour mission les études générales relatives à la réalisation du bâtiment, la construction des bâtiments comprenant la consultation et le choix des sous-traitants, la passation des contrats de sous-traitance et le paiement des sous-traitants, la relance des fournisseurs et entrepreneurs, l’ordonnancement coordination pilotage et gestion administrative du chantier, la direction de la construction des bâtiments, la réception et le suivi de la levée de réserves éventuelles, le suivi de la période de garantie de parfait achèvement » mais ne prévoyait pas que l’entrepreneur principal bénéficiait du pouvoir de représentation du promoteur immobilier.

La Cour de cassation en déduit que ce contrat constituait un contrat d’entreprise et que, par voie de conséquence, le contrat par lequel l’entrepreneur principal (la société C) avait confié à une autre entreprise (la société D) l’exécution d’une partie de ces missions, pouvait être qualifié de contrat de sous-traitance soumis au régime de la Loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance.

L’enjeu était de taille ici car, si la Cour de cassation avait retenu l’existence d’un mandat confié par le promoteur immobilier (la société B) à l’entrepreneur principal (la société C), la loi de 1975 relative à la sous-traitance ne pouvait pas s’appliquer dans les relations entre la société C et la société D (voir à titre d’exemple : Cass. civ. 3ème, 27 oct. 2016, pourvoi n°15-25.256).

2°/ L’autre question posée à la Cour de cassation était de savoir de quelle action dispose un sous-traitant lorsque l’entrepreneur principal ne respecte pas ses obligations prévues par la loi de 1975 relative à la sous-traitance.

En effet, il convient de rappeler que l’entrepreneur principal doit offrir à son sous-traitant les garanties prévues par la loi de 1975 relative à la sous-traitance, à savoir : présenter le sous-traitant au maître de l’ouvrage pour acceptation et agrément de ses conditions de paiement (article 3) et fournir un cautionnement au sous-traitant ou obtenir une délégation de paiement de la part du maître de l’ouvrage (article 14).

Au cas particulier, le sous-traitant (la société D) qui bénéficiait d’un cautionnement avait mis en demeure l’entrepreneur principal (la société C) de lui confirmer la prolongation de l’engagement de caution jusqu’au règlement définitif de son marché. Sa mise en demeure n’ayant pas été suivie d’effet, le sous-traitant avait suspendu ses prestations puis l’entrepreneur principal avait résilié le contrat à ses torts exclusifs.

Tandis que la cour d’appel avait considéré que le sous-traitant était fondé à suspendre l’exécution de son marché en l’absence de fourniture par l’entrepreneur principal d’un cautionnement, la Cour de cassation censure une telle interprétation en rappelant que la loi de 1975 relative à la sous-traitance prévoit deux types de sanctions en cas de non-respect par l’entrepreneur principal des obligations de garanties à l’égard de son sous-traitant, à savoir : la résiliation unilatérale du contrat (prévue à l’article 3) et, d’autre part, la nullité du contrat de sous-traitance en cas de défaut de cautionnement (prévue à l’article 14).

A défaut pour le sous-traitant de se prévaloir de l’une de ces deux sanctions prévues expressément par la loi, le sous-traitant est tenu de poursuivre l’exécution de son marché.

Du fait de l’application des dispositions spéciales prévues par la loi de 1975 relative à la sous-traitance, un sous-traitant n’est donc pas fondé à se prévaloir de l’exception d’inexécution qui est prévue par le droit commun des contrats (article 1219 du Code civil) lorsque l’entrepreneur principal ne respecte pas ses obligations de garanties à son égard.

 

Bertrand RABOURDIN

 

 

© Photo credit : Callum Galloway, image libre de droit publiée sur pexels

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