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Cass. civ., 3ème 11 septembre 2025, n° 24-10.139, publié au Bulletin

L’article 1792 du Code civil consacre une responsabilité de plein droit du constructeur, dont il ne peut s’exonérer qu’en démontrant l’existence d’une cause étrangère.

Toutefois, la mise en œuvre de cette présomption de responsabilité suppose, au préalable, que le désordre soit rattaché à l’ouvrage et trouve son origine dans l’intervention du constructeur.

La Cour de cassation rappelle de manière constante que la garantie décennale ne peut jouer que si l’imputabilité du désordre à l’ouvrage est suffisamment caractérisée, sans qu’il soit pour autant nécessaire d’en déterminer la cause technique exacte :

  • Dans un arrêt du 4 mai 2016 (Cass. civ., 3ème, n° 15-14.700), la Cour de cassation a approuvé la cour d’appel qui avait écarté la garantie décennale, constatant que l’expert n’avait exprimé de certitude que sur le point de départ de l’incendie, tandis que ses autres conclusions étaient formulées en termes hypothétiques et non démontrées. Elle a jugé qu’en l’absence de preuve d’un lien certain entre l’incendie et un vice de construction ou une non-conformité du tableau électrique, la cour d’appel avait exactement retenu que la garantie décennale n’était pas mobilisable.
  • De même, la jurisprudence admet la responsabilité décennale dès lors que les désordres affectant un élément d’équipement compromettent gravement la destination de l’immeuble. Ainsi, la cour d’appel de Rouen a jugé, à propos d’une chaudière défectueuse, que l’absence de chauffage dans une maison d’habitation rendait l’ouvrage impropre à sa destination et relevait de la garantie décennale, les dysfonctionnements constatés présentant en outre un danger pour les personnes et les biens (CA Rouen, 15 septembre. 2021, n° 9/03413).

  • Dans un arrêt du 29 juin 2022 (Cass. Civ., 3ème n° 21-17.919, inédit), la Cour de cassation a confirmé que la présomption de responsabilité de l’article 1792 du Code civil suppose l’établissement d’un lien d’imputabilité entre le désordre et l’activité du constructeur, sauf pour celui-ci à prouver une cause étrangère. Elle a approuvé la cour d’appel qui avait souverainement retenu que l’incendie ayant détruit les bâtiments trouvait son origine dans l’installation photovoltaïque, quand bien même la destruction de l’ouvrage et la dispersion des composants ne permettaient pas de déterminer précisément le processus ayant conduit au sinistre. La Cour d’appel a pu en déduire que, en l’absence de cause étrangère établie, la responsabilité décennale du constructeur se trouvait engagée et condamner, en conséquence, celle-ci à garantie.

Dans l’affaire jugée (Cass. civ., 3ème 11 septembre 2025, n° 24-10.139), un incendie avait détruit une maison quelques mois après sa réception. L’expertise avait localisé le point de départ du feu dans le tableau électrique, sans pouvoir déterminer avec certitude la cause exacte. La cour d’appel de Toulouse (CA Toulouse, 7 novembre 2023, n°21/04055) avait rejeté la demande du maître de l’ouvrage et de son assureur au motif qu’aucun vice de construction ou défaut de conformité n’était établi.

La Cour de cassation casse l’arrêt et pose deux principes :

  • il suffit au maître de l’ouvrage d’établir qu’il n’est pas exclu que les désordres soient en lien avec la sphère d’intervention du constructeur, compte tenu de la nature et du siège des désordres ;
  • une fois ce lien établi, la présomption de responsabilité décennale s’applique et elle ne peut être écartée en raison de l’incertitude sur la cause exacte. Le constructeur ne peut s’exonérer qu’en prouvant une cause étrangère.

Cet arrêt, publié au Bulletin, confirme une évolution jurisprudentielle tendant au fait que l’imputabilité du désordre n’exige plus l’identification précise de sa cause technique mais seulement l’impossibilité d’exclure son rattachement à l’intervention du constructeur.

Cette orientation clarifie le régime probatoire et contribue à renforcer l’effectivité de la garantie décennale, tout en accentuant la vigilance requise de la part des constructeurs et de leurs assureurs.

Victoire KOLINGAR LHERMENIER

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