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Conseil d’Etat, 25 juin 2024, req. n° 490864

 

Avant d’aborder les faits ayant conduit à la présente décision, rappelons que l’article R. 811-11-1 du code de justice administrative a procédé à la suppression temporaire de l’appel contre les permis de construire et permis de démolir des bâtiments à usage principal d’habitation, ainsi que de permis d’aménager de lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d’une commune située en zone dite tendue, mentionnée à l’article 232 du Code général des impôts.

La liste des communes situées en zone dite tendue n’est pas figée et elle a d’ailleurs récemment évolué.

Cela présente en l’espèce une importance capitale puisque la commune ayant délivré l’autorisation contestée s’est retrouvée classée en zone tendue par le décret du 25 août 2023.

La chronologie de l’affaire est ici centrale pour en comprendre toute la portée.

Ainsi, la commune de Jausiers a délivré, le 30 décembre 2019, un permis d’aménager portant sur un lotissement de 10 lots.

Le permis a fait l’objet d’un recours contentieux devant le Tribunal administratif qui a rendu, le 5 décembre 2022, un jugement avant-dire-droit prononçant un sursis à statuer en se fondant sur les dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, aux termes duquel : « Sans préjudice de la mise en œuvre de l’article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation, même après l’achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ».

Un permis d’aménager modificatif a été délivré le 5 mai 2023.

Le Tribunal administratif a cependant, par jugement du 30 octobre 2023, clos le litige et annulé le permis d’aménager au motif que le permis de régularisation n’avait, précisément, pas régularisé le vice tiré de l’irrégularité de la voie de desserte interne.

Comme exposé ci-dessus, au regard du passage en zone tendue de la commune de Jausiers à l’issue du décret du 25 août 2023, s’est alors posée la question de la ou des voies de recours adéquates contre ces jugements dans la mesure où :

– A la date de l’autorisation, de l’introduction de la requête et du jugement avant dire droit, la commune n’était pas située en zone tendue ;

– A la date du jugement d’annulation post régularisation, la commune était passée en zone tendue.

Les bénéficiaires du permis d’aménager ont, pour leur part, estimé que la voie de l’appel leur était toujours ouverte pour les deux jugements et ont donc saisi la Cour administrative d’appel de Marseille.

Celle-ci s’est cependant considérée incompétente et a transmis la requête au Conseil d’Etat.

Après avoir rappelé les textes susvisés du code de justice administrative et du code de l’urbanisme, la Haute juridiction pose le principe selon lequel « Le droit de former un recours contre un jugement est définitivement fixé au jour où ce jugement est rendu. Les voies selon lesquelles ce droit peut être exercé en sont des éléments constitutifs et continuent, à moins qu’une disposition expresse y fasse obstacle, à être régies par les textes en vigueur à la date à laquelle le jugement susceptible d’être attaqué est intervenu ».

Cependant, le Conseil d’Etat n’omet pas de tenir compte de la spécificité du système de régularisation des autorisations d’urbanisme, et apporte un tempérament à ce principe en jugeant que « toutefois, il résulte des particularités de la procédure organisée par les dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme citées ci-dessus, qui font intervenir dans la même instance un jugement avant-dire-droit de sursis à statuer fixant un délai de régularisation et un jugement statuant au terme de ce délai, que, pour des motifs de bonne administration de la justice et par exception aux principes rappelés au point précédent, les voies de recours contre le jugement qui met un terme au litige suivent celles qui sont ouvertes contre le jugement avant-dire-droit ».

Dans le cas d’espèce, à la date du jugement avant-dire-droit, la commune de Jausiers n’était pas sur la liste des communes situées en zone tendue.

Aussi, le Conseil d’Etat a renvoyé l’affaire à la Cour administrative d’appel de Marseille, tant en ce qui concerne le recours contre le jugement avant-dire-droit que le jugement intervenu pour clôturer le litige.

 

Marion REBIÈRE

Credit photo : @ Location credit : Hài Châu, Vietnam ; Image libre de droit publiée sur pexels

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