Conseil d’Etat, 26 juillet 2022, req. n° 437765, Publié au Recueil
L’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 26 juillet dernier mérite quelques observations tant le champ d’application du permis de construire modificatif s’en trouve élargi.
Par un arrêt de principe du 26 juillet 1982, le Conseil d’Etat avait jugé que :
« Considérant que le permis de construire demandé par M. R… tendait à modifier un précédent permis dont il était titulaire et qui l’autorisait à construire un hall de stockage industriel sur un terrain situé sur le territoire de la commune de Bruz ; que les modifications projetées étaient sans influence sur la conception générale du projet initial » (CE, 26 juillet 1982, Le Roy, req. n° 23604, Publié au Recueil).
Cette décision permettait de consacrer l’existence du permis de construire modificatif dans la continuité de décisions du Conseil d’Etat entérinant la possibilité, en droit administratif général, de modifier des actes administratifs.
En 1982, le Conseil d’Etat consacrait donc le permis de construire modificatif à la condition que les modifications ne bouleversent pas l’économie générale du projet.
Quarante-ans plus tard – et l’exactitude de la date est à souligner – le Conseil d’Etat a très clairement modifié, au bénéfice des titulaires d’autorisation d’urbanisme, le régime du permis de construire modificatif.
Aux termes d’un considérant limpide, le Conseil d’Etat a jugé que :
« En premier lieu, l’autorité compétente, saisie d’une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d’un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction que ce permis autorise n’est pas achevée, dès lors que les modifications envisagées n’apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même ».
Ainsi, le critère du champ d’application du permis de construire modificatif a été élargi, passant d’une appréciation de l’économie générale du projet à une appréciation portant sur la nature même du projet.
Cette solution était attendue et apparait finalement logique dès lors qu’à l’occasion d’un avis du 2 octobre 2020, le Conseil d’Etat avait indiqué que :
« 2. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme dont l’annulation est demandée, sont susceptibles d’être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme. Le juge n’est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d’une part, si les conditions de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme sont réunies et qu’il fait le choix d’y recourir, d’autre part, si le bénéficiaire de l’autorisation lui a indiqué qu’il ne souhaitait pas bénéficier d’une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l’autorisation d’urbanisme est susceptible d’être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l’économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n’implique pas d’apporter à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même » (CE, avis du 2 octobre 2020, req. n° 438318).
Reste à déterminer les caractéristiques d’un changement de nature et, sur ce point, le rapporteur public Fuchs avait relevé qu’il était nécessaire de « prendre en compte plusieurs indices relatifs au projet, notamment sa destination, ses dimensions, son implantation ou encore les caractéristiques principales de son insertion dans l’environnement. L’important est que les modifications qui devraient être apportées à ces éléments soient telles qu’elles conduisent à rompre le lien avec le permis initial » tout en indiquant que tel serait le cas « si le projet initial de trois immeubles collectifs devient une villa individuelle, si le projet est finalement réalisé dans une zone et sur une parcelle différentes, si le bâtiment à usage de poulailler industriel se transforme en magasin de meubles ou si le chalet d’aspect montagnard devient une maison inspirée par l’architecture de Frank Lloyd Wright ».
Cet avis concernait toutefois le cas précis de la régularisation intervenant au visa des articles L.600-5 et L.600-5-1 du code de l’urbanisme.
Restait à déterminer si le principe dégagé dans cet avis était également applicable au régime du permis de construire modificatif intervenant en dehors de toute mesure de régularisation, et le Conseil d’Etat y a répondu par l’affirmative.
Guillaume ROUGEOT