Conseil d’Etat 14 octobre 2024, req. n° 471936
Dans cette décision, le Conseil d’Etat apporte des précisions à propos de la possibilité de mettre en œuvre une mesure de régularisation sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme sur deux points.
Pour en apprécier la pleine portée, il y a lieu de revenir sur les faits de l’espèce.
Dans l’affaire considérée, deux permis de construire avaient été délivrés le 11 mai 2017 en vue de l’édification d’un parc photovoltaïque, et contestés devant le Tribunal administratif de Nîmes.
Si celui-ci avait rejeté les recours, la Cour administrative d’appel de Marseille avait pour sa part sursis à statuer sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme en vue de la régularisation de deux vices tenant d’une part à l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale et d’autre part à l’insuffisance de l’étude d’impact.
Chaque permis de construire contesté a donné lieu à un permis de construire modificatif.
Cependant, la Cour administrative d’appel de Marseille a procédé à l’annulation du jugement du Tribunal administratif de Nîmes, des deux arrêtés du 11 mai 2017, ainsi que des deux arrêtés modificatifs en considérant que les permis de construire modificatifs n’avaient pas permis de régulariser le vice tiré de l’insuffisance de l’étude d’impact dans les termes suivants :
« 14. Il résulte à la fois de l’illégalité des deux arrêtés du 26 août 2022 et du contenu insuffisant des informations figurant dans l’étude d’impact complémentaire que les vices relevés par la cour dans son arrêt du 28 décembre 2021 n’ont pas été régularisés par ces arrêtés.
(…)
- Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires ayant conduit à l’adoption de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, que, lorsque le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme dont l’annulation est demandée sont susceptibles d’être régularisés, le juge administratif doit, en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation, sauf à ce qu’il fasse le choix de recourir à l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme, si les conditions posées par cet article sont réunies, ou que le bénéficiaire de l’autorisation lui ait indiqué qu’il ne souhaitait pas bénéficier d’une mesure de régularisation. Il n’en va pas différemment lorsque l’autorisation d’urbanisme contestée devant le juge est une mesure de régularisation qui lui a été notifiée pendant le délai qu’il avait fixé en mettant antérieurement en œuvre l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme. En revanche, aucune disposition légale ou règlementaire ne permet d’appliquer de manière successive l’article L. 600-5-1 pour la régularisation d’un même vice affectant le permis de construire initial, que la première mesure de régularisation transmise n’a pas permis de » purger « ».
La société bénéficiaire des autorisations d’urbanisme s’est alors pourvue en cassation. C’est dans ce contexte que la Haute juridiction a confirmé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille en considérant que si la mesure de régularisation prise sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme n’avait pas permis de régulariser le vice qui affectait l’autorisation initiale, il n’appartenait pas au juge administratif de mettre en œuvre une nouvelle fois les dispositions de l’article L. 600-5-1 pour offrir une seconde chance de régularisation du vice identifié dans le jugement avant dire droit :
« Lorsqu’une mesure de régularisation a été notifiée au juge après un premier sursis à statuer, et qu’il apparaît, au vu des pièces du dossier, que cette mesure n’est pas de nature à régulariser le vice qui affectait l’autorisation d’urbanisme initiale, il appartient au juge d’en prononcer l’annulation, sans qu’il y ait lieu de mettre à nouveau en œuvre la procédure prévue à l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme pour la régularisation du vice considéré ».
En revanche, le Conseil d’Etat précise que lorsque la mesure de régularisation est entachée d’un vice qui lui est propre, ce vice peut faire l’objet d’une régularisation en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, permettant ainsi de « régulariser la régularisation » :
« 7. En premier lieu, il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme dont l’annulation est demandée, sont susceptibles d’être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l’autorisation d’urbanisme. Le juge n’est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d’une part, si les conditions de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme sont réunies et qu’il fait le choix d’y recourir, d’autre part, si le bénéficiaire de l’autorisation lui a indiqué qu’il ne souhaitait pas bénéficier d’une mesure de régularisation. Il en va de même lorsque le juge constate que la légalité de l’autorisation d’urbanisme prise pour assurer la régularisation de ce premier vice est elle-même affectée d’un autre vice, qui lui est propre. Il lui appartient alors de surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi, en invitant au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de cette nouvelle autorisation, sauf si les conditions de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme sont réunies et qu’il fait le choix d’y recourir, ou si le bénéficiaire de l’autorisation lui a indiqué qu’il ne souhaitait pas bénéficier d’une mesure de régularisation ».
Cette jurisprudence incite à la plus grande prudence pour les porteurs de projets, qui devront donc, en cas de mise en œuvre de l’article L. 600-5-1, faire en sorte de régulariser l’ensemble des points identifiés dans le jugement avant dire droit prononçant un sursis à statuer en vue de la mise en œuvre d’une mesure de régularisation.
Marion REBIERE
Credit photo : @ Image libre de droit publiée sur unsplash le 19 juillet 2018



