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Pas d’obligation de mise en conformité à la charge du constructeur en l’absence de désordre et de DTU contractualisé

Cass.Civ.3ème 10 juin 2021 – pourvoi n°20-15.277

 

Dans un arrêt en date du 10 juin 2021, la Cour de cassation rappelle que le constructeur n’est pas débiteur d’une obligation de mise en conformité dès lors qu’il n’existe aucun désordre et que son marché ne faisait pas spécifiquement référence à un DTU (document technique unifié).

Pour bien comprendre cette décision, il convient de rappeler brièvement le contexte factuel. Des travaux de construction d’un entrepôt ont été confiés à une entreprise générale qui a sous-traité partiellement le lot charpente métallique. Après réception de l’ouvrage, une partie de la toiture de cet entrepôt s’est affaissée. A la suite de l’expertise judiciaire intervenue, les causes de cet affaissement proviendraient non pas d’une malfaçon imputable au constructeur mais d’un défaut d’entretien de la toiture et du réseau d’évacuation des eaux pluviales. Ceci étant, l’expertise judiciaire a permis de déceler que la toiture ne respectait pas les préconisations prévues au DTU 43.3 « mise en œuvre des toitures en tôles d’acier nervurées avec revêtement d’étanchéité ».

La cour d’appel avait condamné l’entreprise principale et son sous-traitant à indemniser le maître d’ouvrage du coût des travaux de mise en conformité de la toiture avec les règles du DTU 43.3 en estimant qu’ils devaient construire un ouvrage conforme au marché et aux règles de l’art, ce qui comprend l’ensemble des DTU, peu importe que le DTU 43.3 n’était pas spécifiquement mentionné dans le marché.

L’entreprise principale et son sous-traitant ont diligenté un pourvoi en considérant que les prescriptions issues des DTU étaient distinctes des règles de l’art et que le DTU 43.3 n’était pas mentionné spécifiquement dans le marché et n’avait donc pas été contractualisé, si bien qu’en l’absence de désordre, leur responsabilité ne pouvait pas être engagée.

La Cour de cassation leur donne raison et reproche à la cour d’appel d’avoir condamné les constructeurs alors que, d’une part, le DTU 43.3 n’était pas mentionné dans le marché et n’avait donc pas été contractualisé, et d’autre part, la non-conformité n’avait été à l’origine d’aucun désordre.

La Cour de cassation adopte la solution suivante : « en l’absence de désordre, le non-respect des normes qui ne sont rendues obligatoires ni par la loi ni par le contrat ne peut donner lieu à une mise en conformité à la charge du constructeur ».

A travers cette décision, la Cour de cassation semble adopter une approche finaliste selon que l’ouvrage est ou non affecté de désordres : en cas de désordre sur l’ouvrage dans le délai d’épreuve de dix ans, la responsabilité du constructeur sera inévitablement engagée. A l’inverse, celui-ci pourrait échapper à toute responsabilité si l’ouvrage donne satisfaction indépendamment du fait qu’il soit affecté de non-conformités.

Cette décision est l’occasion de rappeler la différence entre responsabilité et conformité de l’ouvrage :

– lorsque la responsabilité du constructeur est engagée sur le fondement des garanties légales (garantie de parfait achèvement, garantie biennale et garantie décennale), il importe peu de savoir si le constructeur a respecté ou non les règles de l’art ou les DTU, sa responsabilité est de plein droit,

– lorsque la responsabilité du constructeur est engagée sur le fondement de la responsabilité de droit commun (désordre intermédiaire), il convient de distinguer ici deux cas de figure :

  • En cas de faute du constructeur et d’un dommage, la responsabilité du constructeur sera automatiquement engagée et il importe peu ici de savoir si un DTU spécifique a été contractualisé dès lors que le constructeur a été défaillant dans son obligation de résultat de construire un ouvrage exempt de vices.
  • En cas de faute du constructeur sans dommage : il ne sera pas possible de rechercher la responsabilité du constructeur quand bien même celui-ci n’a pas respecté les règles de l’art. Une seule exception à ce principe : si le respect d’un DTU était contractualisé dans le cadre du marché, le maître d’ouvrage pourra alors exiger une mise en conformité de l’ouvrage même en l’absence de désordre.

 

Bertrand RABOURDIN

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