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Clarification des actions en garantie contre les assureurs dans les litiges de construction : la recevabilité de l’action en garantie d’un responsable contre l’assureur de responsabilité d’un autre responsable n’est pas subordonnée à la mise en cause de l’assuré

Cass., Civ. 3ème ,1er février 2024, n°22-21.025

Par un arrêt rendu le 1er février 2024, la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation a clarifié une question délicate quant aux possibilités d’agir directement contre les assureurs des constructeurs responsables.

Jusqu’ici, la réponse variait en fonction du statut de celui qui exerce l’action, selon qu’il soit :

  • Un tiers lésé (Cass., civ. 1ère, 15 mai 2022, n°00-18541) : la recevabilité de l’action directe contre l’assureur n’était alors pas subordonnée à l’appel en la cause de l’assuré par la victime,
  • Ou co-responsable du dommage exerçant un appel en garantie : la mise en cause de l’assuré était nécessaire ( Civ. 3ème 27 avril 2011, n°10-13639).

La Haute juridiction a tranché en affirmant que, même dans le cas d’un appel en garantie, dans la mesure où la mise en cause de l’assuré n’est pas indispensable pour statuer tant sur le principe que sur l’étendue de sa responsabilité, la recevabilité de l’action en garantie dirigée contre un assureur n’est pas subordonnée à la mise en cause de son assuré.

En l’espèce, des travaux de construction ont été réalisés en 2006 sur un bâtiment à usage commercial appartenant à une société civile immobilière (SCI) et devant être exploité par une autre société.

L’entreprise en charge du lot carrelage a sous-traité les travaux.

La réception de l’ouvrage a été prononcée le 26 juillet 2006.

Or, divers désordres ont été dénoncés postérieurement à la réception.

La SCI et l’exploitant ont assigné en justice les constructeurs et leurs assureurs en indemnisation de leurs préjudices.

L’assureur de la société en charge du lot carrelage a quant à lui appelé en intervention forcée l’assureur du sous-traitant.

La Cour d’appel de POITIERS, par un arrêt en date du 5 juillet 2022 a déclaré irrecevable l’action en garantie de l’assureur de la société en charge du lot carrelage contre l’assureur du sous-traitant.

La motivation retenue consistait à dire qu’un appel en garantie, distinct de l’action directe prévue à l’article L. 124-3 du Code des assurances, requiert nécessairement la mise en cause de l’assuré pour retenir sa responsabilité. Or, le sous-traitant n’était pas partie à l’instance.

L’assureur du carreleur a formé un pourvoi contre cet arrêt.

La 3ème Chambre civile de la Cour de cassation lui donne raison et rappelle dans son arrêt du 1er février 2024 :

  • Qu’aux termes de l’article L. 124-3 du Code des assurances, le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe contre l’assureur de la personne responsable,
  • Qu’en vertu de l’article 334 du Code de procédure civile, une partie assignée en justice peut en appeler une autre en garantie des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle.

Elle souligne que la mise en cause de l’assuré n’est pas une condition de la recevabilité de l’action directe du tiers lésé.

Avec cet arrêt, la Haute juridiction relève que bien qu’aucun texte n’impose la mise en cause de l’assuré pour un appel en garantie, celle-ci pourrait toutefois être nécessaire pour respecter le principe du contradictoire.

Pour autant, elle rappelle qu’exiger cette mise en cause constituerait une entrave injustifiée à l’exercice des actions récursoires, car elle n’est pas indispensable pour statuer sur la responsabilité de l’assuré.

Dès lors, elle juge que la recevabilité de l’action en garantie dirigée contre un assureur n’est pas subordonnée à la mise en cause de son assuré, tout comme pour l’action directe du tiers lésé.

Enfin, en ce qui concerne les recours en garantie entre constructeurs, la Cour rappelle que ceux-ci s’effectuent au prorata des fautes respectives et que lorsqu’ils ne peuvent pas être fondés sur la garantie décennale, ils relèvent de la nature contractuelle si les constructeurs sont contractuellement liés, et de nature quasi-délictuelle s’ils ne le sont pas (Cass. civ. 3ème, 8 février 2012, n°11-11417).

Ainsi, pour rechercher l’identité de l’assureur en garantie, il est nécessaire de prendre en considération le fondement juridique de la responsabilité de l’assuré, de sorte que la garantie de l’assureur décennal peut être mobilisée pour les désordres relevant de la garantie décennale (Cass., civ., 3ème 11 mai 2023, n°22-13182).

En tout état de cause, cette solution a le mérite de simplifier les contentieux des dommages causés par des travaux en admettant l’action directe à l’encontre de l’assureur d’une partie responsable, qu’elle soit exercée par des tiers lésés ou des entreprises co-responsables.

 

Victoire KOLINGAR-LHERMENIER

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