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Inondation d’une cave : désordre de nature décennale nonobstant le réaménagement en pièce d’habitation

Cass. Civ. 3ème, 14 mai 2020, n°19-10.921

 

 

Dans cet arrêt rendu le 14 mai 2020, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation semble faire fi de l’usage effectif d’une cave aménagée tout en étendant la caractérisation d’une impropriété à destination en cas d’inondations.

 

En l’espèce, le demandeur était l’acquéreur d’un appartement de trois pièces et d’une cave achetés en l’état futur d’achèvement. A la suite de fortes pluies, ce dernier s’est plaint d’infiltrations dans le séjour de son appartement et d’inondations récurrentes, notamment dans la cave, située en rez-de-jardin et aménagée en pièce d’habitation par ses soins postérieurement à la vente.

 

Arguant d’une perte de la valeur de son bien devant la Cour d’appel d’Aix-en-Provence ainsi que de préjudices locatif, de jouissance et moral, l’acquéreur a assigné en réparation son vendeur, le maître d’œuvre, l’assureur de ce dernier et le syndicat des copropriétaires.

 

Par un arrêt du 7 juin 2018, les juges d’appel ont rejeté ses prétentions alors même qu’ils avaient constaté la réalité des désordres dénoncés dans la cave ainsi que ceux affectant le séjour, au motif que les infiltrations apparues dans le séjour étaient d’importance modérée et n’obéraient pas l’occupation du logement, tandis que les difficultés rencontrées pour louer l’appartement ne résultaient que des infiltrations apparues dans la cave aménagée en pièce d’habitation.

 

Au visa de l’article 1792 du Code civil, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel au motif que cette dernière n’avait pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations.

 

En effet, la Cour de cassation considère que l’appartement ne pouvait être occupé de manière pérenne du fait des défauts d’étanchéité et souligne les éléments retenus par la Cour d’appel selon lesquels « la récurrence des désordres et l’importance du taux d’humidité relevé par l’expert dans la pièce située en rez-de-jardin, provoquées notamment par l’insuffisance du réseau d’évacuation des eaux pluviales, rendaient l’appartement ainsi que la cave, qui n’avait pas vocation à être inondée, impropres à leur destination ».

 

Ainsi, la Cour de cassation ne semble pas prendre en compte l’affectation de la cave choisie par le propriétaire : peu importe qu’elle soit aménagée ou non en pièce d’habitation, la nature même de cave serait suffisante pour admettre la garantie décennale en cas d’inondations.

 

Cette décision est à mettre en relation avec un arrêt du 5 décembre 2019, au titre duquel la 3ème chambre civile a considéré que l’appréciation de l’impropriété à destination d’un local en sous-sol, qualifié de cave dans le permis de construire puis réaménagé par le vendeur comme un « débarras » s’effectuait « par référence à sa destination découlant de son affectation, telle qu’elle résulte de la nature des lieux ou de la convention des parties » (Cass. Civ. 3ème 5 décembre 2019, n°18-23.379).

 

A la différence de l’arrêt du 14 mai 2020, la Cour de cassation dans son arrêt du 5 décembre 2019 mettait en avant un changement de destination opéré par le vendeur dans le contrat de vente et mentionnait explicitement l’’affectation réelle de la cave pour caractériser l’impropriété à destination.

 

Dans l’arrêt du 14 mai 2020, la notion d’impropriété à destination semble au contraire avoir été appréciée indépendamment du changement de destination de la cave en pièce d’habitation.

 

Ces deux arrêts doivent être distingués en ce que dans celui du 5 décembre 2019, le changement de destination avait précédé la vente de sorte qu’il était parfaitement opposable au vendeur, tandis que dans celui du 14 mai 2020, c’est de sa propre initiative et après la vente que l’acquéreur avait réaménagé sa cave.

 

L’on peut donc expliquer que dans le premier cas, la Cour de cassation ait tenu compte du changement de destination dans la caractérisation de l’impropriété à destination, à l’inverse du second cas dans lequel le changement de destination était postérieur à la vente, de sorte qu’il était inopposable au vendeur. Il convient de rappeler que la gravité des désordres comme la caractérisation de l’impropriété à destination relève de l’appréciation des juges du fond (CE, 21 avr. 2000, n° 190598 ; Cass. Civ, 3ème 31 mars 1999, n° 97-15. 653 ; Cass. Civ, 3ème 25 sept. 2013, n° 12-17.267).

 

Ainsi, dans cet arrêt du 14 mai 2020, la Cour de cassation semble admettre qu’une impropriété à destination puisse être caractérisée dès lors qu’une cave est inondée, et ce, quelle que soit sa destination réelle.

 

 

Emma LE BOUIL et Djinn QUÉVREUX-ROBINE

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