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Montage en VEFA : délimitation de la frontière ne devant pas être franchie par l’acheteur public

CAA de Nancy, 15 avril 2021, Metz Métropole, req. n° 19NC02073

 

Cet arrêt rendu le 15 avril 2021 par la Cour administrative d’appel de Nancy mérite quelques observations, tant la problématique de l’acquisition, par une personne publique, d’un immeuble en VEFA peut s’avérer périlleuse.

Le Conseil d’Etat avait ainsi pu établir une ligne directrice, dès lors qu’un acheteur public avait recours au contrat de VEFA pour acquérir un bien immobilier :

« Considérant que si aucune disposition législative n’interdit aux collectivités publiques de procéder à l’acquisition de biens immobiliers au moyen de contrats de vente en l’état futur d’achèvement, elles ne sauraient recourir à de tels contrats lorsque l’objet de l’opération consiste en la construction même d’un immeuble pour le compte de la collectivité publique, lorsque l’immeuble est entièrement destiné à devenir sa propriété et lorsqu’il a été conçu en fonction des besoins propres de la personne publique » (Pour exemple : CE, 14 mai 2008, req. n° 280370, mentionné aux tables sur ce point ou principe : CE, 8 février 1991, Région Midi Pyrénées, req. n° 57679, publié au Recueil Lebon).

Par ce principe, le juge administratif souhaitait prohiber, pour les personnes publiques, le recours à la VEFA, dès lors que :

  • le projet de l’opération consiste en la construction d’un immeuble pour le compte de la collectivité publique ;
  • l’immeuble est entièrement destiné à devenir propriété de ladite collectivité ;
  • l’immeuble est conçu en fonction des besoins propres de la personne publique.

En effet, dans ces trois cas, le recours au contrat de VEFA traduit une volonté, pour la personne publique, de s’affranchir des règles de la commande publique.

Il appartient donc aux juges du fond d’identifier les critères permettant de distinguer l’acquisition d’un immeuble en VEFA du marché public de travaux, lequel doit être soumis aux règles de publicité et de mise en concurrence.

Et sur ce point, l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nancy apporte des précisions intéressantes :

« 13. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que la société Demathieu et Bard Immobilier a déposé une demande de permis de construire le 11 mars 2014, que, le 7 juillet 2014, un compromis de vente a été signé entre elle et la société d’aménagement et de restauration de Metz Métropole (SAREMM), que le permis de construire lui a été accordé, le 4 décembre 2014, pour la construction d’un immeuble de bureaux d’une surface de plancher de 9 765 m2 et que la société Demathieu et Bard Immobilier a alors engagé des démarches de commercialisation dès la fin décembre 2014. Il ressort également des pièces du dossier que lors de la conférence des maires du 2 avril 2015, a été évoqué, pour la première fois, le projet de futur siège de Metz Métropole et l’opportunité d’acheter un siège social plutôt que de continuer à payer des loyers onéreux. Les trois pistes possibles (achat-construction-acquisition programme VEFA) ont été présentées lors du comité de pilotage du 5 mai 2015. La collectivité a alors acté l’opportunité de deux programmes en VEFA, dont celui de la société Demathieu et Bard Immobilier, et a interrogé France Domaine sur l’évaluation de la valeur vénale de surfaces de bureaux des deux programmes retenus. Les échanges entre Metz Métropole et le promoteur n’apparaissent donc qu’à partir de 2015, ce dernier ayant également proposé son projet immobilier à la caisse primaire d’assurance maladie, le 13 novembre 2016, qui n’a pas retenu son offre. Par ailleurs, l’ensemble immobilier, qui permet des aménagements de bureaux et de décloisonnement, ne comporte pas de caractéristiques particulières qui auraient eu pour objet de répondre aux besoins de Metz Métropole. Au demeurant, Metz Métropole a procédé ultérieurement à des aménagements spécifiques pour un montant de 3,4 millions d’euros dans le cadre d’un marché public de travaux et a conclu un marché public de maitrise d’oeuvre « pour l’aménagement intérieur de la maison métropole » pour un montant de 3,52 millions d’euros. Metz Métropole n’a donc exercé aucune influence déterminante sur sa nature ou la conception de l’ensemble immobilier, lequel n’a été conçu ni à l’initiative de Metz Métropole, ni en fonction de ses besoins, de sorte que l’opération en cause ne peut être qualifiée de marché public de travaux. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 5 de l’ordonnance du 25 juillet 2015 relative aux marchés publics, de l’article 30-I-3e b et de l’article 115 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics et de la directive 2014/24 UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics transposée par l’ordonnance du 25 juillet 2015 doit être écarté » (CAA Nancy, 15 avril 2021, req. n° 19NC02073).

Aux termes de cet arrêt, la Cour administrative d’appel de Nancy, après avoir procédé à une analyse au cas par cas, a jugé que Metz Métropole pouvait recourir au mécanisme de la VEFA.

En effet, la Cour a retenu les critères suivants :

  • la demande de permis de construire et la commercialisation de l’immeuble était antérieure à la manifestation de la collectivité publique de sa volonté d’acquérir le bien ;
  • la collectivité avait identifié, aux termes d’un processus important (choix du montage, recherche d’une opportunité en VEFA, évaluation réalisée par France Domaine), deux programmes en VEFA pour n’en retenir qu’un seul. A ce titre, l’arrêt retient que le promoteur avait également proposé son projet à la caisse primaire d’assurance maladie ;
  • l’ensemble immobilier n’était pas conçu pour les besoins spécifiques de la collectivité, dès lors que les aménagements intérieurs permettaient un décloisonnement aisé des bureaux ;
  • la collectivité a procédé elle-même aux aménagements intérieurs par le biais d’un marché public de travaux et d’un contrat public de maîtrise d’œuvre pour des montants significatifs.

C’est donc logiquement qu’au regard de ces éléments factuels, la Cour administrative d’appel de Nancy a pu estimer que le recours au contrat de VEFA ne traduisait aucune volonté d’éviter le recours au marché de travaux et n’était donc, par conséquent, pas soumis aux dispositions du code de la commande publique.

 

Guillaume ROUGEOT

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